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Il y a une semaine, j’ai reçu une enveloppe, poste restante. Une missive m’était adressée: Va me chercher Baby Doll. Juste ça, avec quelques phrases notées sur des morceaux de napperons de restaurant et des serviettes de table. Du Manouche tout craché.

Mais Cartouche n’a pas le temps d’hésiter, pas le temps d’en vouloir à sa vieille amie qui la tire de la tranquillité de sa forêt. Elle ira, oui elle ira, fouiller les rues, les ruelles, les bars et les hôtels, avant que la fille de son ancienne compagne de cellule ne prenne définitivement le bord du trottoir et des aiguilles dans la peau.

À bord de son pick-up, Cartouche partira sur les routes de Senneterre à Saskatoon à la recherche de Baby Doll. Et gare à ceux qui ne comprendront pas le message envoyé par la tête de corneille accrochée à son rétroviseur.

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Extrait

J’ai grandi à Porcupine, une petite ville du nord de l’Ontario à l’horizon bouché. Ma famille habitait une roulotte déglinguée, sans roues, montée sur des blocs de ciment. Mon enfance, je l’ai avalée de travers.

J’ai quitté la maison à dix-huit ans. J’étais jeune, mais je savais ce que je voulais : faire de l’argent pis sacrer mon camp au Mexique. C’est là où j’ai été conçue. Mes parents m’ont fait à quelques reprises le récit de leur voyage sac à dos. J’en ai gardé une image idyllique. Durant quelques années, j’ai travaillé comme serveuse dans un hôtel de Val-d’Or en Abitibi. L’adaptation à ce coin de pays a été facile. J’étais en terrain connu, comme une ourse dans une talle de bleuets, un loup dans une forêt : même terre sablonneuse que chez nous, mêmes épinettes, chevalements de mines et tourbières à perte de vue. La petite ville regorgeait de tavernes, d’hôtels et de bars, et manquait de filles. Parfois, je dansais. Personne ne m’y a forcée ou obligée. C’est au Miami qu’on m’a surnommée Cartouche ! J’étais plutôt directe, rapide, explosive ! Et je plaisais aux chasseurs des alentours. Là-bas, ils ont tous le « bois » dans l’âme. Dans la cage où je m’offrais en spectacle, j’étais tel un appât nu. J’ai été farouchement seule durant les trois premières années. Je n’ai jamais aimé les gars aux bras couverts de tatouages qui calent leurs douze bières tous les soirs. Ils me font trop penser à mon père. (...) Puis ma vie a basculé. J’ai planté la lame affilée de mon Opinel, que j’avais toujours sur moi, entre les omoplates d’un gars en train de violer une jeune Anishinabée dans la ruelle de l’hôtel, dans la puanteur des poubelles.

On en parle

Lucie Lachapelle nous amène à la rencontre de ceux qui vivent en marge de la société, dans un récit à la fois prenant et émouvant qui prend la forme d'un roadtrip initiatique sur les routes de Senneterre à Saskatoon.
– Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Ce récit m'a transportée. J'ai été touchée par l'authenticité des personnages, le parler brut, ainsi que par les descriptions efficaces et éloquentes des lieux et des émotions des personnages. C'est un récit à la fois parsemé de durs regrets et empreint d'une grande et douce résilience. 
Fabulations d'une prof de français

Plus qu'une éprouvante fresque sociale doublée d'une ode à la sororité et à la maternité, Va me chercher Baby Doll s'avère un émouvant plaidoyer en faveur de la réconciliation des peuples, des classes et des générations.
– Manon Dumais, Le Devoir

Une histoire unique de road trip à travers le Canada, comme une ode au Nord, aux grands espaces et aux rencontres qui transforment.
– Sarah-Émilie Nault, Le Journal de Montréal

Nous sommes loin des virées routières évoquées par des hommes, éprouvant le besoin de vivre autre chose que la routine de jeunes années désenchantées. [...] Roman à lire pour réfléchir à l'encanaillement du monde interlope où tombe trop souvent des démunis de la terre...
– Dominique Blondeau, Ma page littéraire